| | Capra ibex en Mayenne... il y a 20000 ans | |
| | Auteur | Message |
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stéphan
Nombre de messages : 4 Date d'inscription : 08/12/2011
| Sujet: Capra ibex en Mayenne... il y a 20000 ans Jeu 8 Déc 2011 - 19:24 | |
| Bonjour Préhistorien, je dirige des recherches archéologiques dans une grotte en Mayenne, sur des couches datant de l'époque Solutréenne, c'est a dire il y a 20000 ans. Cette période est marquée par une extrême rigueur du climat puisqu'elle correspond au Maximum Glaciaire. Au nord de la Loire, les conditions périglaciaires très rudes empêchent pratiquement les groupes humains d'y vivre en permanence. C'est pourtant le cas de ceux qui occupent les grottes de la vallée de l'Erve, en Mayenne donc. L'objet de mon message est le suivant. Parmi les très nombreux restes osseux conservés dans la couche archéologique (dont du renne et du cheval, prioritairement), se trouvent des restes de bouquetin des Alpes (mandibules, dents, os longs, phalanges etc.). Il est évident que les chasseurs-cueilleurs solutréens ne sont pas aller chercher des animaux dans les Alpes (alors entièrement couvert de glaciers) et que les animaux chassés devaient se trouver relativement proches des sites de consommations. Si le bouquetin a dû "descendre" des montagnes à cause de l'emprise des glaces, dans quelle mesure cette espèce peut-elle s'adapter à des regions de plaines. Si je ne me trompe pas, elle est essentiellement (exclusivement ?) adaptée au milieux escarpés, ce qui est loin d'être le cas de la Mayenne et de sa région. Est-il alors possible d'envisager la présence de groupes pérennes de bouquetins des Alpes au nord de la Loire, il y a 20 000 ans et si oui, peut-il s'agir d'une adaptation ou bien d'une situation qui n'aurait rien d'extraordinaire. Pour information, nos chasseurs solutréens ne se sont pas contentés de chasser et consommer ces animaux, il les ont également représentés, sous formes de gravures, sur des plaquettes de calcaire. Merci de vos éclairages. Pour information, un ouvrage récent est paru sur la représentation du bouquetin au Paléolithique supérieur dans la moitié sud de la France. J'ai les références si cela intéresse quelqu'un. Bien à vous Stéphan
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| | | Road
Nombre de messages : 120 Date d'inscription : 02/01/2008
| Sujet: Re: Capra ibex en Mayenne... il y a 20000 ans Jeu 8 Déc 2011 - 20:48 | |
| Le bouquetin est une espèce qui s'adapte très bien a des altitudes basses, la croissance des cornes de la population du Royans en est le témoin récent par exemple. C'est plus le besoin de sécurité face à la prédation humaine qui a poussé l’espèce vers les sommets alpins. Il n'en reste pas moins que c'est une espèce adaptée aux rochers et aux falaises... Je ne connais pas le profil de la région mayennaise, pas de falaises calcaires ou autres ? On constate sur le site de l'INPN la présence des bouquetins au paléolithique supérieur en Mayenne : http://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/61098 Je suis intéressé par les coordonnées du livre et plus généralement par les études sur la présence de l’espèce à la préhistoire. A+ Eric | |
| | | stéphan
Nombre de messages : 4 Date d'inscription : 08/12/2011
| Sujet: Re: Capra ibex en Mayenne... il y a 20000 ans Ven 9 Déc 2011 - 12:18 | |
| Je suis surpris par les cartes de répartition de l'espèce au cours des temps (site du MNHN), y compris à des époques récentes. L'idée reçu que le bouquetin était adapté uniquement à des milieux escarpés en prend un coup ! En Mayenne, le site que je fouille se trouve dans une petite vallée étroite qui a incisé un massif calcaire (exceptionnel et même unique sur le massif armoricain) sur à peine 2km de long. Cela a généré un "canyon" de 250m de large avec des falaises verticales d'envion 30m de haut, sur le flanc desquelles s"ouvrent les grottes (une vingtaine). Autant dire que cela ne fait pas un espace conséquent pour envisager la coexistence de bouquetins et de chasseurs !!! Au delà du site, des endroits escarpés existent évidemment (vallée encaissée de la Mayenne, ou plus loin, falaises des bords de Loire...) mais d'une manière générale, les sites rocheux et escarpés ne sont pas légion. Si ce type de milieux est une condition indispensable au maintien de l'espèce dans un endroit donné, je ne comprends alors pas où il pouvait vivre "tranquillement" dans l'ouest de la France (au Mont Saint-Michel !!!). Recherche à creuser.
Pour le livre : Michel MARTIN, 2010 - Le bouquetin dans l'art paléolithique en Europe méditerranéenne. Gallia Préhistoire, supplément XL, CNRS éditions, Paris, 382 p., 60 euros (ISBN - 978-2-271-07004-3).
Cordialement Stéphan | |
| | | Julien Traversier
Nombre de messages : 137 Date d'inscription : 11/11/2004
| Sujet: Re: Capra ibex en Mayenne... il y a 20000 ans Ven 9 Déc 2011 - 23:53 | |
| Bonjour Stephan et merci pour toutes ces informations ! Je crois que je vais m'offrir ce livre !
Pour ce qui est des Bouquetins en Mayenne et plus généralement dans l'Ouest de la France, c'est vrai que ça surprend à première vue. Comme le dit JP Choisy, biologiste, et spécialiste du Bouquetin, il faut considérer qu'une espèce donnée ne vit pas exclusivement dans les biotopes les plus favorables à sa survie. Même si ces lieux correspondent moins au biotope optimal, car de faible étendue, il ont très bien pu abriter des Bouquetins. Sur les massifs tabulaires, comme le Vercors, on observe régulièrement des individus en dehors des grandes zones escarpées : entre deux sites très favorables, sur un relief "plat" le moindre escarpement permet aux bouquetins de transiter entre les milieux favorables. Dans le Jura ou les préalpes par exemple, de nombreux sites ont abrités des Bouquetins sur des zones de falaise de 10-15 mètres de haut. J'imagine qu'on doit se rapprocher des "reliefs" de l'ouest de la France. De plus, si les falaises correspondent au biotope de l'espèce, des pentes raides, avec des gros blocs ou des petites marches, lui suffisent. Il n'apprécie pas du tout les substrats instables (éboulis fins, neige, glace). Le bouquetin va préférer être sur un plateau à quelques dizaines de mètres d'une falaise refuge, plutôt que dans un éboulis instable tout de suite en pied de falaise. Probablement qu'il n'y avait pas de grosses populations, mais que l'espèce se soit maintenue sur ces sites est logique. En revanche, les humains ont certainement privilégiés ce gibier tant que possible, du fait de sa faible distance de fuite.
Bonne soirée | |
| | | stéphan
Nombre de messages : 4 Date d'inscription : 08/12/2011
| Sujet: Re: Capra ibex en Mayenne... il y a 20000 ans Lun 12 Déc 2011 - 13:07 | |
| Merci pour ces précisions Julien. Je vais consulter les productions de J P Choisy sur le sujet. Dans notre région, le bouquetin est également mentionné sur le site du Mont-Dol (Ille-et-Vilaine), qui n'a de mont que le nom puisqu'il s'agit juste d'un petit batholite genre Mont Saint Michel, inscrit au milieu d'une vaste pénéplaine sans grand relief. Il s'agit d'un site de chasseurs moustériens (125 000 ans), un des rares où les restes osseux soient conservés dans l'ouest de la France. Malheureusement, il s'agit d'une fouille ancienne et les données sont peu fiables. On compte donc beaucoup sur la vallée de l'Erve pour préciser bien des points sur la chronostratigraphie du Pléistocène de la région.
En tout cas, les précisions apportées sur les biotopes du Bouquetin sont intéressantes et me "rassurent" sur la présence de cet animal dans notre région au cours de la préhistoire.
Pour info, j'essaye d'envoyer une photo et un rélevé d'une des plaquettes gravées solutréennes de la grotte Rochefort sur laquelle est gravé un superbe profil de bouquetin. Mais je ne sais pas si je fais la bonne manip. Peut-être serait-ce mieux sur une adresse e-mail si ce document vous interesse. Bonne journée Stéphan | |
| | | Road
Nombre de messages : 120 Date d'inscription : 02/01/2008
| Sujet: Re: Capra ibex en Mayenne... il y a 20000 ans Lun 12 Déc 2011 - 13:33 | |
| Voici la photo de Stéphan : Ci-joint une photo et un relevé d'une belle plaquette solutréenne de la grotte Rohefort figurant un bouquetiin des Alpes. Objet unique connu à ce jour dans l'art solutréen ! A+ Eric | |
| | | Cyril du Monêt'
Nombre de messages : 114 Localisation : au Monêtier les Bains! Date d'inscription : 27/09/2005
| Sujet: Re: Capra ibex en Mayenne... il y a 20000 ans Mar 20 Déc 2011 - 19:19 | |
| Dingue ! Y'a deux ans et demi, j'ai été visité une de ces grottes à Saulges. Effectivement, on m'a parlé de bouquetins. Je n'ai pas été plus surpris que ça en voyant le milieu. | |
| | | Mathieu Krammer Rang: Administrateur
Nombre de messages : 435 Age : 37 Localisation : Provence (Var) Date d'inscription : 14/10/2004
| Sujet: Re: Capra ibex en Mayenne... il y a 20000 ans Mer 21 Déc 2011 - 12:08 | |
| Bonjour Stephan et merci d'avoir initié cette passionnante discussion.
Je rejoins tout à fait Eric et Julien sur l'habitat de l'espèce. Suite à une pression de chasse très importante, les dernières populations d'ibex se sont retrouvées en montagne. Et après sa quasi-disparition, c'est uniquement dans les massifs de haute montagne que l'homme l'a réintroduit. Du coup, c'est vrai que c'est aujourd'hui une espèce rupestre quasiment uniquement présente en haute montagne.
Les détracteurs (certains qui pensent toujours que le bouquetin est plus inféodé à la montagne qu'au rocher) diront que même lorsqu'il en a la possibilité, l'ibex reste toujours cantonné en haute montagne et ne descend pas dans les milieux rupestres de plus basse altitude. Mais c'est surtout le fait que l'étendue de l'habitat disponible en haute montagne est très importante et qu'il faut souvent attendre que cet habitat soit saturé pour qu'il s'aventure plus bas. Mais il y a déjà des populations vivant, naturellement, à très basse altitude (vallée de la Maurienne, colonie de La Roche dans le Valbonnais, etc...). La population réintroduite dans le Royans (cf. le forum) se porte finalement plutôt bien !
Je suis également d'accord sur le fait de dire que si la haute montagne représente, globalement, un habitat optimal du fait de sa grande étendue et l'amplitude altitudinale très importante qu'il peut y avoir, ça ne veut pas dire que les habitats de faible étendue en moyenne ou basse montagne ne sont pas favorables. Du coup, en soi, ça ne me choque pas de voir du bouquetin en Mayenne en des temps anciens.
Ceci dit, ce qui m'interpelle, c'est la connexion possible avec les grands massifs rocheux les plus proches (sûrement le Massif Central). Car s'il est évident que le bouquetin peut vivre dans des petites falaises de 10-15 mètres de haut, y-a-t-il des connexions jusqu'au Massif Central ou au massif jurassien ? Certes, en Maine-et-Loire et Indre-et-Loire, la vallée de la Loire forme de petites falaises, mais dès le Loir-et-Cher il n'y en a plus... Passionnant en tout cas ! | |
| | | JPChoisy
Nombre de messages : 3 Date d'inscription : 23/06/2013
| Sujet: Bouquetin : dimensions du biotope de Mayenne Dim 23 Juin 2013 - 15:59 | |
| Cher collègue « bouquetineur », vous du passé, moi du présent Bien entendu nous appliquons le principe général de la permanence au cours de temps des relations de cause à effet, faute de laquelle le présent ne saurait éclairer le passé. Ce que vous décrivez est un joli biotope pour un noyau de population : en considérant les deux rives, près de 4 km de falaises. EFFECTIFS POTENTIELSPour préciser il faudrait savoir ce qui encadre les falaises :
- au dessus : plateau très plan ? relief acccident ? versant pentu ? rocher affleurant abondant ? rare ? absent ?
- en dessous : directement la rivière ? versant pentu ? dans ce cas quel dénivelé et quelle pente moyenne ? Blocs abondants ? rares ? absents ?
Dans l’incertitude, il semble que : une cinquantaine d’individus serait un très petit minimum, tellement petit qu’il en est invraisemblable 200 soit un grand maximum. Pour la cohabitation avec des humains, hypothèses concernant ce que vous avez trouvé : RESTES D’UNE EXTERMINATION RAPIDE, hypothèse : peu invraisembable : du fait des gravures ? Je ne suis pas compétent pour trancher ; voire incompatible avec les faits : si les restes de consommation sont très abondants et/ou étalés sur des siècles. A vous de nous le dire. SOUCI MENAGER LA RESSOURCE ? Je ne suis pas compétent. Mais je sais qu’à l’époque contemporaine des ethnologues ont montré que certaines cultures de chasseurs-cueilleurs réduisent leurs prélèvements sur une population de gibier qui diminue, la reportant sur une autre, quitte à changer de massif, de vallée, y revenant après reconstitution des effectifs. ECHELLE SPATIALE A REVOIR
- population plus importante occupant une chaîne ou un réseau de biotopes rupestres analogues, voir plus grands
- o séparés par des espaces plats réduits : au plus quelques kilomètres ;
- o reliés jusqu’à une dizaine de kilomètres ou plus, par de petits mouvements de terrain de quelques mètre permettant le transit (surtout si ici ou là le rocher affleure) mais non pas l’installation.
- métapopulation : des espaces très peu escarpés plus étendus séparant des populations, à l’échelle de temps du fonctionnement au fil des saisons mais non pas réellement « étanche ». Plus c’est plat et plus c’est étendu, moins le franchissement est probable. Des espaces vraiment plans même de 10 à 20 km peuvent être traversés si à l’horizon des reliefs sont visibles : donc, ils doivent être d’autant plus vigoureux qu’ils sont élevés. Et un climat excluant les boisement denses est plus favorable visuellement. Contrairement au cas précédent, permet un flux comblant des pertes locales excessives habituelles. Mais les flux suffisent à la diversité allèlique locale et permettent des colonisation/recolonisation, si les pionniers ne sont pas massacrés.
Aux deux échelles des sites rocheux escarpés de quelques mètres ne permettent pas l’installation d’un noyau de population mais joue un rôle considérable de « gîte d’étape » assurant la sécurité pour le repose en cours de transit. Je suppose que les côtes bretonnes et normandes offrent des centaines de kilomètres de biotopes rupestres adéquat. Mais je ne connais ni leurs distances à votre site ni, plus important encore, leur connexion d’un point de vue de bouquetin (cf. supra). | |
| | | JPChoisy
Nombre de messages : 3 Date d'inscription : 23/06/2013
| Sujet: Bouquetins : éco-éthologie I Dim 23 Juin 2013 - 16:25 | |
| Cher Stephan X Je viens de découvrir et le site et votre demande. J’échoue ce qui suit à placer sur le forum . Je recommence en scindant... Toutes infos sur les Bouquetins préhistoriques en France (merci pour les références du livre) ou ailleurs m’intéresse (j’en cherche aussi en Italie péninsulaire). Y-en-a-t-il du Néolithique à l'Antiquité ? Pour vos demande est-il toujours temps de répondre ? Déjà publié il y a plus de 35 ans : « Capra. Goats are essentially cliff dwellers with a wide tolerance for altitude and to a less extenr habitats, some living on treeless hills and others on wooded ones » Schaller (1977). Car il y a des pentes rocheuses qui sont boisées. Plus précisément : de l'étage alpin à en dessous du niveau de la mer (dans certaines dépressions escarpées.). Et ce à l’intérieur d’une même espèce. Que Capra ibex soit une exception parmi les Capra sp. vivant de la péninsule ibérique à l’Himalaya occidentale, de l’Altaï à l’Ethiopie, suppose est une hypothèse qui, scientifiquement, doit : 1°) avoir une cohérence rationnelle = fournir une explication de type cause à effet. Je n’ai jamais pu en trouver une dans aucune publication. Sinon, c’est de l’essentialisme, philosophiquement respectable, mais incompatible avec la méthode scientifique ; 2°) être confrontée aux faits. Or, on connaît de nos jours des populations de Capra ibex qui prospèrent en basse et moyenne montagne : Italie, Suisse, NO du Vercors. Pour Capra ibex voir travaux du Programme National de Recherche sur l’Eco-éthologie du Bouquetin des Alpes, notamment Gauthier et al. (1990). Pour analyse centrée sur ce qui vous intéresse Choisy (1990), résumé et schéma in Choisy (2004) chargeable (cf. infra). Egalement intégrés à Catusse et al. (1996). . Climat Rappel : l’altitude n’est pas un facteur écologique stricto sensu. Mais elle modifie les facteurs écologiques proprement dits, notamment la température (actuellement dans les Alpes – 1°C/180 m, en moyenne annuelle). Les animaux sont capables de trouver des stations dont les conditions écologiques sont extrêmement différentes des moyennes régionales. Cette souplesse éthologique est particulièrement élevée chez les grands Mammifères ». Plus le milieu est hétérogène, plus il offre de telles possibilités éco-éthologiques. C’est un des avantages de la montagne. Ne pas confondre inconfort à certaines saisons et/ou heures » et « limites de survie écologique ». · aucun Bouquetin Capra sp. du monde n’aime la chaleur. Or, il en vit jusqu’au sud de l’Arabie. Ils passent les heures chaudes au repos à l’ombre : ligneux s’il y en a, cavernes, failles de la largeur du corps, derrière des blocs, etc. Ils peuvent même devenir en partie nocturnes. · aucun Bouquetin Capra sp. du monde ne supporte durablement la neige profonde. Or, ils peuvent passer l’hiver en haute montagne. Je ne parle pas d’un ou quelques décimètres mais réellement profonde. Un tiers des plus de 150 opérations de réintroduction dans les Alpes ont échoué faute de station d’hivernage à enneigement supportable. Dans certains massifs, les bouquetins peuvent échapper à la neige profonde en transhumant. Les versants sud sont moins enneigés. Les stations ventées, non appréciées les jours d’hiver où ça souffle, le sont les autres jours car l’effet de déneigement par le vent s’y prolonge. Le moyen le plus universel d’échapper à la neige profonde est de se cantonner alors exclusivement sur les versants les plus pentus, où la neige ne peut pas s’accumuler. Je connais un site où, le fond d’une gorge, où s’accumule la neige, étant alors abandonné, l’altitude moyenne de présence des bouquetins est donc supérieure en hiver. Nievergelt (1966). La population des Encombres (Savoie), non issue de réintroduction, bénéficie de condition optimales parois rocheuses continues de 700 m. à plus de 2800 : hivernage avec peu ou pas de neige, transhumance à mesure que remonte la végétation en stade printanier, été au frais. Au contraire : · les populations qui doivent passer de longs hivers en haute montagne ont certainement une mortalité supérieure mais elles survivent (vivant en partie d’une rare norriture, en partie de la graisse accumulée à la belle saison) · les bouquetins du Mont Baret (NO du Vercors), entre 250 et moins de 900 m., ont des étés beaucoup plus inconfortables. Si les espèces animales ne pouvaient vivre que dans les conditions optimales il n’y aurait jamais eu ni Inuits, ni Touaregs. (A suivre) | |
| | | JPChoisy
Nombre de messages : 3 Date d'inscription : 23/06/2013
| Sujet: Bouquetins : éco-éthologie II (suite et fin) Dim 23 Juin 2013 - 16:41 | |
| Relief Les Ongulés rupestres n’échappent pas aux grands Carnivores par une fuite rapide comme les espèces non rupestres. Ils sont bien plus robustement bâtis : l’empreinte d’un chamois de 40 kg mesure la moitié ou les deux tiers de celle d’un cerf de 150 à plus de 200 kg. C’est comme comparer un VTT et un vélo de course : l’un n’est pas mieux que l’autre dans l’absolu, ça dépend du terrain. En pays plat, ils ne peuvent échappé. Même face à des chiens. Bien entendu, ils peuvent manger en terrain complètement plat si existent des stations refuges escarpés : · Chamois : à 200 m de distance voir plus ; · Bouquetin : généralement gère plus d’une dizaine de mètres. Les deux peuvent prospérer sur les côtes : pas de type Camargue ni Hollande mais de type Calanques. En terrain pentu et escarpé tout change : · un chamois de 40 kg à un cœur presque deux fois plus gros que celui d’un homme de 70 kg et beaucoup plus d’hématies par mm 3. Une harde avec cabris chornométrée en Suisse est montée de 1000 m. en un quart d’heure, alors qu’elle ne fuyait même pas. Chez l’Homme, il faut un très bon entrainement pour faire ≥ 1000 m/heure. · des bouquetins tolèrent lynx, loup ou (Altaï) panthère des neiges à 50 ou 60. Si le carnivore se rapproche, les bouquetins s’enrochent, comme un char grimpe à un arbre, sans aller très loin. Extraordinairement efficacité (presque absent du régime du Loup même au Mercantour : les autour de 1% dans les feces sont peut-être du charognage). Mais extraordinairement vulnérabilité face aux armes tuant à distance, même javelot. D’où élimination précoce dans tous les zones rocheuses de dimensions modestes et les derniers survivant exclusivement en haute montagne, et encore plus précoce et complète chez le Bouquetin. Avant que, dans les pays développés, les mentalités deviennent plus favorables et surtout, les pratiques. De nos jours : · Bouquetin : cf supra exemples en basse et moyenne montagne ; · Chamois recolonisation spontanée avec hardes dans la végétation méditerranéenn françaises : o sous les oliviers mais ceux-ci sur terrasses dans des gorges ; o à 150 m d’altitude sur versant Est de la vallée du Rhône méridionale ; o à 20 km du littoral méditerranéen dont les parois seront recolonisées dans la décennies…sauf barrage de feu, non exclu… Bouquetins ou/et chamois « en plaine » à échelle géographique, ont nécessairement disposé, à léchelle écologique, de sites rocheux d’une ou quelques dizaines de mètres même si ce n’est une fraction très faible de l’espace. Dans la Mayenne je ne vois pas comment vous pourriez fouiller une caverne s’il n’y avait quelque rocher. N’oubliez pas que des terrains escarpés lors de la dernière glaciation peuvent, depuis, avoir été enfouis par des sédiments. D’où la probabilité maximale de détection de leurs cadavres, surtout en dessous de la limite supérieure des forêts, Bouquetin plus encore que Chamois, notamment pour le Gypaète ( cf. Hirzel et al. 2004) mais aussi pour les autres Vautours (Choisy 2007). NB Interaction entre facteurs écologiques : le dénivelé aussi sécurise. Plus il est faible, plus les bouquetins sont exigeant quant à l’inclinaison des versants : · ≤ 100 m. de dénivelé, pas de bouquetins sur versant < 45° · ≤ 400 m. de dénivelé, même des versants < 15° sont fréquentés. Observable partout et statistiquement mis en évidence en Ethiopie (Nievergelt, 1981). .Différences de niches écologiqueRupestres/non rupestres : même s’il y a une intersection entres espaces exploités, de vastes zones échappent aux non rupestres qui, ici, ne concurrencent pas les rupestres, surtout en hiver, et c’est alors que cela compte. Chamois/Bouquetin :
- substrat : Chamois = généraliste « tous terrains », Bouquetin spécialiste du rocher stable et escarpés : pas à l’aise sur pierrailles instable, très mal dans neige profonde, nul sur glace.
- nourriture : en période de disette Bouquetin plus généraliste : le Chamois se contente beaucoup moins de nourriture fibreuse, grossière que le premier supporte.
D’où une occupation de l’espace bien plus « concentrée » chez le Bouquetin qui occupe une fraction bien plus réduite de l’espace que le fait le Chamois mais peut y atteindre des densités locales très supérieures. Jean-Pierre Choisy .REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUESCatusse M., Corti R., Cugnasse J.-M., Dubray D., Gibert P. Michallet J. (1996). Les Bouquetins pp 70 – 107 de La grande Faune de montagne (traite aussi de Chamois, Isard, Mouflon). ONC & Hatier. 259 pp. Choisy Jean-Pierre, (1990) Le Bouquetin des Alpes et les facteurs écologiques. Comparaison avec les autres espèces.- première partie : le point de connaissances actuelles. Bulletin mensuel de l’ONC, n° 144. pp 27-37 ; - seconde partie : faits et interprétation. Bulletin mensuel de l’ONC, n° 145 pp 13-23. Choisy J.-P. (2004). Le Bouquetin des alpes, sa vie. Approche comparative pp 9 à 33 de Le Bouquetin des Alpes Capra ibex. Connaissance de l’espèce. Histoire. Situation actuelle dans le Parc Naturel Régional du Vercors. Encadrer une sortie d’observation : - dans l’Est du massif : indications - dans le Royans : information détaillée. PNR du Vercors. Chargeable sur mon blog. J'avais mis le lien mais le forum Bouquetin n'en a pas voulu !Choisy J.-P. (2007, actualisé 2010). Réintroduire le Gypaète Gypaetus barbatus dans les Préalpes occidentales, pertinence stratégique et faisabilité de l’opération. Parc Naturel Régional du Vercors. Schaller G. (1977). Moutain Monarchs. Wild sheep and Goats of the Himalaya. The University of Chicago Press. 425 pp. Gauthier D., Martinot J.-P., Choisy J.-P., Michallet J., Villaret J.-C., Faure E. (1990) Le Bouquetin des Alpes in Les Ongulés de France. Bilan des recherches récentes. Rev. Ecol. (Terre et Vie). Supplément 6. Pp 233-275. Hirzel A., Posse B., Oggier P.A., Crettenand Y., Glenz C., Arlettaz R. (2004) Ecological requirements of reintroduced species and the implications for release policy: the case of the bearded vulture.Journal of Applied Ecology 41, 1103-1116. Nievergelt B., (1966). Der Alpensteinbock (Capra ibex L.) in seinem Lebensraum. Ein oekologischer Vergleich. Paul Parey. 85 pp. Nievergelt B., (1981). Ibexes in an African Envrionnemen. Ecology and Socil Systel of the Walia Ibex in the Simen Moutains, Ethiopia. SpringerVerlage Berlin Heidelberg New Tork. 189 pp. | |
| | | stéphan
Nombre de messages : 4 Date d'inscription : 08/12/2011
| Sujet: à la recherche d'ibex en Mayenne Lun 24 Juin 2013 - 12:12 | |
| Bonjour Content de reprendre contact avec le forum et grand merci pour cette réponse détaillée sur l'éco-éthologie du Bouquetin des Alpes. J'ai beaucoup remis en question mes pauvres connaissances sur cet animal depuis les premiers échanges de messages sur ce forum et les infos que vous apportez confirment combien il faut être prudent face aux idées reçues. Merci aussi pour la bibliographie, que je ne manquerai pas d'éplucher. Nous réalisons actuellement la rédaction de la monographie du site que nous fouillons et un chapitre sera consacré à la paléontologie et à l'archéozoologie des faunes solutréennes, dont le bouquetin. Nous allons sans doute insérer pour chaque espèce une sous-section généraliste (biotope, éthologie etc.) permettant aux lecteurs de visualiser les paléoenvironnements que connaissaient les Solutréens mayennais il y a 20000 ans. Me permettez-vous, en citant comme il se doit les sources, de m'inspirer de vos données pour rédiger et amender ce texte ?
Pour info, depuis mon envoi de la "belle" plaquette gravée d'une tête de bouquetin, nous avons identifié d'autres pièces (3 à ce jour) montrant des profils de bouquetin gravé. S'ils sont plus discrets et difficile à lire sur ces plaquettes, et de moins belle facture, les caractéristiques de l'animal, notamment les cornes, ne laissent aucun doute sur les identifications. Quant au comptage des restes osseux dans la grotte, et à la détermination du NMI (Nombre Minimum d'Individu), ils sont à ce jour respectivement de 45 et de 2, ce qui reste faible pour tenter d'estimer la population potentiellement présente et l'impact de la chasse sur celle-ci. Encore une fois, l'isolat relatif du "canyon" pose question. Au-delà des falaises escarpées s'étendant sur moins de 2km, le relief est quasi plat, les points de refuges sont rares et éloignés. Si une population de Bouquetin a vécue dans le canyon (mais je vois mal comment avec cohabitation humaine) elle n'avait guère de plan de fuite dans les environs sans passer par les plateaux. Le canyon fait moins de 250m de large, le fond est plat (terrasses alluviales) quelques éboulis masquent les pieds de falaises. Aucun secteur du fond de vallée n'est apte à un refuge en cas de poursuite. Bref, il faudrait vraiment que nous dressions une cartographie paléotopographique de la région pour apprécier la question.
Tout cela est quoi qu'il en soit passionnant. Je ne manquerai pas de continuer à vous solliciter pour enrichir la discussion.
Merci encore Stéphan | |
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