Des nouvelles pas bien gaies !!!
" Situation sanitaire des populations de bouquetins en Vanoise
Situation en Vanoise
Depuis le printemps 2007 des épisodes localisés de kératoconjonctivite infectieuse affectent les bouquetins et secondairement les chamois dans divers secteurs du Parc national de la Vanoise (Val d'Isère, Pralognan, Peisey-Nancroix, Modane). Quelques cas de mortalité ont pu être imputé à cette maladie devenue endémique depuis son apparition en Vanoise en 1983. Une accalmie est intervenue durant l’automne et des animaux malades sont à nouveau signalés depuis le mois de janvier 2008 (Peisey-Nancroix, Modane, Champagny notamment). Cependant, le schéma épidémiologique de la maladie ne semble pas correspondre à celui décrit habituellement par HARS et GAUTHIER (1984) : flambée épizootique avec mortalité faible et morbidité élevée durant 2 à 3 semaines puis récession laissant place à une population immunisée temporairement. En effet, dans l'épizootie actuelle on ne constate pas de flambée, mais un faible nombre d’animaux touchés répartis sur l'année avec un pic plus accentué durant l’été 2007. De plus, un cas de recontamination d’un individu guéri (une étagne marquée sur le secteur de Modane) a été constaté ce qui est une donnée inédite dans les Alpes. Ce profil épidémiologique inhabituel a incité les vétérinaires travaillant en lien avec le Parc à se poser différentes questions. Concernant l'agent pathogène tout d'abord : existence d'une nouvelle souche de mycoplasme plus virulente, moins contagieuse, moins immunogène ? Concernant d’éventuelles causes sous-jacentes ensuite : immunodépression liée à un stress, une pathologie sous-jacente, des conditions climatiques particulières (succession d'été plus secs), l’arrivée d’un grand prédateur dans le cas du secteur de Modane ?
C'est durant les deux premiers mois de l'année 2008 que la situation est devenue préoccupante avec un nombre inhabituel de cas de mortalité sur deux secteurs particuliers du Parc : ceux de Modane et de Pralognan.
Ainsi, les agents du district de Champagny ont, au cours de cette période, récupéré une trentaine de cadavres de bouquetins. Par ailleurs ils ont noté un déficit important du nombre de cabris par femelle (0,2) pour cette population qui montrait jusqu’alors un bon indice de reproduction.
A Modane, après la découverte durant l’été 2007 de plusieurs cadavres d'animaux dont la mort avait été imputée à une épizootie de kératoconjonctivite, l'interruption du phénomène avait été notée à l’automne. Cependant, durant l'hiver, les agents de ce secteur ont constaté un nombre de cadavres nettement supérieur à celui habituellement noté, en particulier des sujets adultes. Un dénombrement partiel effectué en début d’année a révélé une centaine d’animaux observés contre 230 auparavant avec une perturbation notable de la structure de la population : déficit en cabris et composition inhabituelle des groupes sociaux. En considérant les animaux marqués dans le cadre d'un programme de recherche sur la dynamique des populations et la reproduction, on parvient au constat suivant : sur 34 femelles de bouquetins marquées et observées en début 2007, 14 ont pu être localisées en décembre 2007 et seules 10 ont été recontactées en début d'année 2008.
Situation dans les massifs alpins voisins
Dans le proche massif des Encombres une quinzaine de cadavres ont été trouvés, ce qui, pour la Fédération des Chasseurs de la Savoie, n'a pas paru inhabituel et aucun phénomène de ce genre n'a été constaté dans le massif de Belledonne par l'Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage ni en Haute-Savoie. En revanche, dans celui du Grand Paradis, une perte de quelque 1500 individus a été enregistrée sur 4000 bouquetins recensés auparavant. L’une des hypothèses avancée et étudiée par l'Université de Turin est l’influence du changement climatique. Dans le Val Di Lanzo, la situation est différente avec une baisse des effectifs d’environ 30%, et le rôle des pneumopathies est avancée, notamment l’intervention du virus syncitial respiratoire (RSV).
Premières données issues des autopsies et des analyses
Les individus sont souvent maigres à cachectiques. Outre des lésions de kératoconjonctivite chez certains sujets, des poumons atteints ont permis d’isoler des pasteurelles, germes classiques de ces maladies chez les ongulés de montagne, mais aussi des mycoplasmes (bactéries) dont on ignore actuellement les rôles respectifs qu'ils sont susceptibles de jouer dans l'épisode actuel de pathologies.
On connaît cependant la capacité des mycoplasmes à provoquer des pathologies pulmonaires souvent liées à des germes sous-jacents tels que des virus, dont le virus syncitial (RSV). A ce stade les recherches sérologiques entreprises notamment par le Laboratoire Départemental d'Analyses Vétérinaires de la Savoie n'ont révélé aucun cas positif mais seules des recherches virales directes permettraient d’infirmer ou de confirmer cette hypothèse.
Actions déjà entreprises et à mener :
Œ Mutualisation des résultats des autopsies et des analyses effectuées par les différents laboratoires dont le Laboratoire Départementale d'Analyses Vétérinaire de la Savoie (LDAV 73) : élaboration de conventions d'échange avec l' ONCFS et la Fédération Départementale des Chasseurs de la Savoie (réseau SAGIR).
Mise en place des prospections de surveillance standardisées afin de suivre à partir des signes cliniques visibles la cinétique de pathologies comme la kératoconjonctivite.
Ž Mise en oeuvre renforcée du protocole concernant la récolte de cadavres de bouquetins de façon à collecter une vingtaine de cadavres en bon état de conservation pour autopsie et batterie d'analyses (une dizaine déjà acheminée au LDAV 73). Par ailleurs des échantillons sérologiques seront prélevés à partir de la quarantaine de captures de bouquetins prévus (cf. infra) afin d'entreprendre des recherches en laboratoire, en particulier sur les souches de mycoplasmes isolées (AFSSA Lyon, INRA Toulouse), les recherches du Virus syncitial et autres causes éventuelles du phénomène. A cette fin, un devis détaillé a été présenté par le LDAV 73, celui-ci s'élève à quelque 22 000 euros supplémentaires qui sont sollicités à la DM1 de façon à faire face à cette crise.
Marquage de 40 individus par collier VHF et boucles auriculaires (20 sur chacun des deux sites concernés) afin de disposer d’animaux «traceurs ». Ceci permettra également d'apprécier l’impact réel du phénomène (quantifier morbidité, mortalité, classes d’âge concernées, conséquences sur les groupes sociaux dont succès reproducteur pour les femelles).
Le dénombrement des bouquetins prévu initialement en 2007, qui n'a pu être mené à bien du fait des conditions météorologiques défavorables, devient pour 2008 une priorité afin d'apprécier l'impact quantitatif de ces épizooties sur les différentes sous-populations de bouquetins du Parc national. A noter qu'une thèse récente (janvier 2008), soutenue par Emilie LARGO rattachée au Laboratoire de Biométrie de l'Université de Lyon, valide, en respectant certaines conditions, les résultats des dénombrement de bouquetins en se référant aux individus marqués (Capture Marquage Recapture).
‘ Un communiqué de presse sur la situation a été rédigé en avril 2008 et diffusé largement à la presse régionale et nationale afin de relater les faits de façon objective. Divers articles de journaux et émissions télévisées ont présenté la situation.
Synthèse établie à partir des observations de terrain des agents du Parc ainsi que du concours des vétérinaires vacataires et agents du Parc : Alexandre GARNIER, Marie CADOZ, Karine DESSERTENNE, Éric BELLEAU, Paul REVELI, Dominique GAUTHIER.